J'ai beau tourner cela dans tout les sens je ne trouve pas d'autre mot plus réaliste que celui ci: Culpabilité. Il me hante, il a prit entière possession de mon corps, de mon âme, de ma conscience. Je suis le mot Culpabilité en personne. Il me torture, me charcute comme un tyran. Je ne sais plus m'en défaire, je ne sais plus comment m'en détacher, je suis enfermée, cloisonnée dans ma honte, ma colère, ma jalousie, ma rancoeur.
J'en veux à la Terre entière de me priver de mon désir le plus cher: devenir mère. J'en veux à ces médecins qui ne nous arrose que d'espoir insignifiants, que de mots sans saveurs, que d'attente interminable. J'en veux à ces mères qui s'oxygène dans les chevelures de leurs enfants, qui tiennent entre leurs mains celles de leurs bambins, qui ont sur le front la formidable étiquette de "maman". J'en veux à ces femmes enceintes qui hurlent leur bonheur, qui se plaigne des maux que leur inflige leur grossesse, qui se permette de dire tout sourire "t'y pense trop c'est pour ça que ça ne marche pas", qui me noie sous des témoignages insignifiants d'un ami d'un ami d'un cousin qui a attendu 10 ans avant de réussir à devenir papa. J'en veux à ces femmes qui n'attende que quelques mois miséreux avant de voir sous leurs yeux humidifiés le test positif, qui panique au bout de trois mois d'essais, qui font l'amour sans contraintes, sans consignes, sans fatigue. J'en veux à ma petite personne qui ne se concentre que sur son petit problème d'infertilité, qui se plains d'un parcours qui ne fait que débuter, qui jalouse les ventres arrondis de vie, qui devient intolérante face aux maladresses de ses interlocuteurs. Je m'en veux tellement, à en pleurer d'incompréhension, de rage, de fatigue.
Je suis en colère contre moi-même, je me dégoûte, je me répugne à renier toutes ces femmes qui n'y sont pour rien dans notre malheur. Je sombre, alourdie par la honte, honte de ne plus réussir à être heureuse pour les autres, honte de ne plus savoir me contenter du bonheur des autres, honte de ne plus pouvoir trouver ma force, mon courage dans la réussite d'autrui.
Je ne me reconnais plus, c'est effrayant, c'est pénible, c'est usant. J'ai la sensation de me perdre, de m'oublier, de me tuer en silence. Je ne trouve plus mon équilibre. Je suis en train de chuter, tomber en sourdine à des milliers de kilomètres de ces femmes qui étaient il n'y a pas si longtemps les anneaux de ma chaînes d'espoir.
J'ai honte. Je crève de honte.