Les merveilles de Noël...

Mercredi 10 février 2010 à 19:39

http://ma.grossesse.cowblog.fr/images/ClownbyNidoleaire.jpg
Le spermogramme, quand un jour se fut à son tours de le faire.



Il est 13h50. Nous attendons devant le laboratoire, serrés l'un contre l'autre. Lui s'est plongé dans un bouquin, il ne lèvera pas la tête ni pour m'observer, ni pour m'embrasser. Il s'est réfugié dans son monde, celui qu'il aime tant: La science fiction.
Et moi je suis à côté, je me sens minuscule, le temps ne passe pas. Je n'ose pas bouger, je murmure une chanson sans grande conviction. L'ordonnance dans la main je ne cesse de lire et relire "Spermogramme". Ce mot me fait sourire et paniquer à la fois. J'imagine la salle, d'un silence glaciale où une table basse est entreposé au centre. Seul meuble hormis une chaise. Quelques magazines posés en vrac: Des seins nus, des ventre plat luisant d'huile de massage, des fesses rebondies qu'une homme lèche sans interdis. Voici sa lecture du jour. Je souris en y pensant. Quelle scène particulière, lui derrière la salle d'attente en train de forcer une éjaculation, moi derrière qui attend sagement. Et puis, à nouveau ces vagues d'angoisses: Et si ce n'était pas bon? Et si lui aussi avait quelque chose?

Des clefs retentissent à l'intérieure de la cours, le laboratoire ouvre ses portes. Il est 14h05. Seb range son bouquin dans sa poche, attrape a ma main et me fais un sourire plein d'appréhension, un sourire qui en dit long "ne me laisse pas parler, pour l'amour du ciel". J'ai glissé l'ordonnance dans sa main,  il la regarde, puis me regarde après paniqué.

"C'est pour quoi, je vous écoute".
Sébastien reste là, sans un mot, il me jète des regards plein de désespoir. Pas un bruit. Silence. Je tire l'ordonnance de sa main, et m'empresse de dire "c'est pour un spermogramme s'il vous plait". J'attrape la main de Sébastien lui sourit pour le rassurer.
La dame se retourne, fouille dans un grand placard où sont entreposés plusieurs récipients. Les premiers sont très grands, Seb panique, il me regarde les yeux écarquillés il prie pour que ce ne soit pas ce récipient là. J'ai envie de rire, je l'imagine déjà avec sa grosse boite imitation tuperware, plein de bonne volonté pour bien faire. Je me retiens.
Finalement la secrétaire nous donne une sorte de pipette avec un haut en forme d'entonnoir. Elle dit "et voilà, les instructions sont à l'intérieur, à ramener immédiatement avant 9h00 et à maintenir dans un linge chaud le long du trajet".

Soulagement général. Tout se fera à la maison. Il n'y aura pas de salle sinistre, avec des magazines X en guise de stimulation sexuelle. On sort du laboratoire plein d'espoir. A la sortie, j'ouvre le sac, observe le récipient. La tension tombe, je me mets à rire, sans pouvoir me retenir. Sebastien me rejoint avec des plaintes "arrêtes ce n'est pas drôle". Non, ça ne l'est pas. Vraiment pas. Mais mon visage, ma gorge ne m'obéissent plus. Je ris, sans cette vague de bonheur. Sa grosse voix me rappel où nous sommes, pourquoi, et ce qui nous attends encore derrière.

Mon amour, je ris le cœur compressé, l'estomac plein d'angoisse. Je ris de désespoir.

Mercredi 24 février 2010 à 20:17

http://ma.grossesse.cowblog.fr/images/AA040104.jpg
Je les regarde, ces enfants aux joues rebondies, je suis au centre de leur ronde. Aujourd'hui c'est moi le petit lapin, le petit lapin bien triste qui doit embrasser son nouvel ami. Je les regarde tourner et chanter, je tape des mains, je chante avec eux, je les regarde rire, trébucher, danser, s'observer. Je les voit réclamer le bisou magique en tendant leur joue en n'oubliant pas d'hurler "moi! moi! moi!" Je tourne, encore et encore pour les faire patienter, je fais des bruits bizarres qui les font rire, et soudain je crie "TRISTAN". C'est Tristan mon nouvel ami, celui qui va consoler le pauvre petit lapin que je suis. La foule se dissipe, on se redonne les mains, on chante, encore. Je m'enivre de leur rire, de leur impatience, de leur bonne humeur, de leur insousience. Mon dieu, comment ferais-je sans eux?
Je les vois foetus, recroquevillés dans le ventre de leur mère, je les vois nourrissons aux lèvres humides. Ils sont ma source d'espoir, ma source de courage, ma fontaine de tolérance. 

Je suis partie très tôt ce matin les yeux débordant de larmes. Je n'ai pas ovulé. J'y est cru, tellement cru. Ces foutus points se sont encore bien moqués de moi, ils sont montés haut, très haut, incroyablement haut, si haut que personne ne doutait de ma première ovulation naturelle. Les petits points se sont suivis, pendant quatre jours, ils ont embrassés la ligne des 37°, des 37,1°. Et puis ce matin, la chute, 36,4°. Ce minuscule point, si minuscule, je le maudit. Je le hais de me casser encore un peu plus que je ne le suis. Il n'y a pas eu d'ovulation, juste un cycle comme les trois précédents, anovulatoire. Et ce matin les premiers signes des règles ont débarqués en me^me temps que ce petit point atrocement laid sur ma courbe. Il n'y a plus de doute, demain le sang coulera, pour 3ème fois consécutive de manière naturelle. Je suis abasourdie par ce nouveau corps, mon endomètre se régénère seul, mais les ovaires ne suivent pas. Bordel. Où est donc ma petite sortie, qu'enfin je respire, qu'enfin je redresse le dos regonflée d'espoir?C'est long, trop long, beaucoup trop long. C'est de la torture, c'est de l'abandon de me laisser ainsi y croire chaque mois pour me laisser avec juste ce filet de sang qui me cri "Tu n'es pas enceinte, non, tu n'es toujours pas enceinte".
Je craque.

Mais leur petites mains qui s'agrippent aux miennes, leurs petites dents de lait qui bougent, leur rire si spontanés qui rugit dans mon océan de colère m'apaise, me soulage. Ils sont là, mes petits amis, mes petits guérisseurs. Ils m'ont soignés aujourd'hui, et j'ai été leur petit lapin au nez rouge, aux fesses qui dansent au moindre coup de vent, j'ai été la capitaine dans leur fusée qui a traversé la galaxie pour visiter la planète Zigouigoui et leurs habitants pas-tout-a-fait-comme-nous. J'ai été leur grain de bonheur, leur grain de folie, et ils ont été mon sablier d'espoir. 

Je revis. Demain encore ils seront là pour m'accueillir, pour me soulager, pour m'attendrir, pour m'encourager et me murmurer à l'oreille "Marion ne lâches pas, tu vas l'avoir ce bébé, tu vas l'avoir!"

Samedi 6 mars 2010 à 20:59

http://ma.grossesse.cowblog.fr/images/AA040104-copie-1.jpg

 
Vide. Creux. Mon corps se tord, se plie, se contracte. Il n'est que douleur, qu'âmat de chair inutile.

Je t'imagine, petit, jouflue. Je vois tes lèvres, toute neuves, et tes yeux bleus grands ouverts sur le monde. J'imagine ta petite main dans la mienne, qui s'agripe, s'agripe si fort pour que rien, jamais, ne nous sépare. Je t'imagine pour soigner mes plaies, je me noie dans des rêves incertains qui me permette de garder des miettes d'espoir. Je m'y accroche comme je peux, avec ce que je peux: des sons, des images, des mots, des regards...
Moi qui voyait l'avenir si clair, si lumineux, dénué d'embuches, je me retrouve seule à prier qu'enfin on exhausse notre souhait, qu'enfin mon ventre s'arondisse de vie, qu'enfin je puisse donner la vie...
Les sanglots n'ont jamais été aussi intense, tout mon être bouillone, brûle de colère. Une seule question m'enferme dans un silence glaciale, un silence cruel que rien ne peut briser: Pourquoi?
Aujourd'hui encore je vois les jours défiler, je vois les futures mères flaner dans les rayons de puériculture, je vois les ventres s'arrondire les un après les autres, et moi je suis invisible, inerte devant cette merveilleuse  machine qu'est la vie. A quand mon tours?
Je voudrais hurler, crier à toutes ces femmes, qui n'y sont pour rien, que bordel moi ça ne fonctionne pas, que je suis usée, fatiguée de voir le monde avancer sans moi, que je ne vois plus le bout du tunel, que je suis en train de perdre pied, que c'est dur, trop dur de réaliser que dame nature n'est pas à nos côtés.

Je suis perdue, lassée. J'ai envie de tout plaquer, de partir loin, très loin, le temps que mon corps se complète, le temps qu'il retrouve son mécanisme, je veux y croire à cette guérison miraculeuse. Je ne veux plus me heurter à ce mot térrible: infertilité.

Je  meurs de ne pas pouvoir donner la vie.

Dimanche 14 mars 2010 à 22:10

http://ma.grossesse.cowblog.fr/images/Hontebypepefritto.jpg
J'ai beau tourner cela dans tout les sens je ne trouve pas d'autre mot plus réaliste que celui ci: Culpabilité. Il me hante, il a prit entière possession de mon corps, de mon âme, de ma conscience. Je suis le mot Culpabilité en personne. Il me torture, me charcute comme un tyran. Je ne sais plus m'en défaire, je ne sais plus comment m'en détacher, je suis enfermée, cloisonnée dans ma honte, ma colère, ma jalousie, ma rancoeur.
J'en veux à la Terre entière de me priver de mon  désir le plus cher: devenir mère. J'en veux à ces médecins qui ne nous arrose que d'espoir insignifiants, que de mots sans saveurs, que d'attente interminable. J'en veux à ces mères qui s'oxygène dans les chevelures de leurs enfants, qui tiennent entre leurs mains celles de leurs bambins, qui ont sur le front la formidable étiquette de "maman". J'en veux à ces femmes enceintes qui hurlent leur bonheur, qui se plaigne des maux que leur inflige leur grossesse, qui se permette de dire tout sourire "t'y pense trop c'est pour ça que ça ne marche pas", qui me noie sous des témoignages insignifiants d'un ami d'un ami d'un cousin qui a attendu 10 ans avant de réussir à devenir papa. J'en veux à ces femmes qui n'attende que quelques mois miséreux avant de voir sous leurs yeux humidifiés le test positif, qui panique au bout de trois mois d'essais, qui font l'amour sans contraintes, sans consignes, sans fatigue. J'en veux à ma petite personne qui ne se concentre que sur son petit problème d'infertilité, qui se plains d'un parcours qui ne fait que débuter, qui jalouse les ventres arrondis de vie, qui devient intolérante face aux maladresses de ses interlocuteurs. Je m'en veux tellement, à en pleurer d'incompréhension, de rage, de fatigue.
Je suis en colère contre moi-même, je me dégoûte, je me répugne à renier toutes ces femmes qui n'y sont pour rien dans notre malheur. Je sombre, alourdie par la honte, honte de ne plus réussir à être heureuse pour les autres, honte de ne plus savoir me contenter du bonheur des autres, honte de ne plus pouvoir trouver ma force, mon courage dans la réussite d'autrui.

Je ne me reconnais plus, c'est effrayant, c'est pénible, c'est usant. J'ai la sensation de me perdre, de m'oublier, de me tuer en silence. Je ne trouve plus mon équilibre. Je suis en train de chuter, tomber en sourdine à des milliers de kilomètres de ces femmes qui étaient il n'y a pas si longtemps les anneaux de ma chaînes d'espoir.

J'ai honte. Je crève de honte.

Lundi 22 mars 2010 à 10:44

http://ma.grossesse.cowblog.fr/images/kjhg.jpg


Des milliards de questions et si peu de réponses.
Ma tête prend feu, compressée par ces points d'interogations qui ne cesse de s'entasser. Qu'en est il de notre avenir? Où trouver notre force? Que pouvons-nous construire ensemble? Comment se soutenir? Comment s'écouter? Comment s'entendre? Comment se consoler? Comment se retrouver?
A chaque échec nos mains sont un peu plus liées mais nos corps s'éloigne fatigués. On ressent pour la toute première fois les contre-coups de ces "essais bébé" interminables. Mon dieu qu'elle dose d'amour il faut pour continuer à s'épauler, à y croire, à s'aimer encore!
On se sert comme deux adolescents perdus, en se reniflant comme des petits chiens pour s'assurer de sa présence, on s'accroche à l'autre pour ne pas perdre pied mais y a comme un vide immense, atrocement immense. Un creux qui n'attend que d'être comblé et qui nous fait perdre notre équilibre. Un échantillon de lui et de moi pour venir se blottir entre nos bras.  L'attente est atroce, invivable. On ne veut plus vivre à deux, on en sait plus vivre à deux.

Mon ventre hurle de solitude, mon coeur ne trouve plus son souffle.
Son visage s'est endurcit, ses rides accentuées.
On souffre avec le sourire, avec tendresse, avec amour. On souffre silencieusement, asfixié par tout ces futurs parents qui défilent sous nos yeux. On a pas prit le bon ticket, on attend encore et encore sous l'abri du bus qu'enfin notre tours arrive.
On ne lâchera pas malgré l'usure, malgré la colère, malgré la fatigue parce que l'amour est là, entre nous, avec nous.

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | Page suivante >>

Créer un podcast